top of page

MICHEL BAUWENS : « UN MODE DE PRODUCTION POSTCAPITALISTE ÉMERGE »

I'm another title

Le peer-to-peer est-il un modèle anticapitaliste ? Peut-il constituer un système global alternatif ?

Dans le cadre du nouveau numéro d’Usbek & Rica, consacré à l’avenir du capitalisme, nous avons interviewé Michel Bauwens. Théoricien belge du modèle peer-to-peer, créateur de la Fondation P2P, il travaille aujourd’hui pour mettre en place une politique de transition vers ce qu’il appelle une Â« social  knowledge society Â».

Michel Bauwens :Je préfère parler de postcapitalisme plutôt que d’anticapitalisme. L’un des problèmes de la pensée de gauche classique, c’est l’idée que le pouvoir se prend soit par les réformes, soit par la révolution. Une vision très « top-down Â» finalement. ...

Je crois que nous assistons à l’émergence d’un mode de production postcapitaliste, qu’on appelle, selon les usages, « production entre pairs Â» ou « Ã©conomie contributive Â»Pour le moment, l’économie contributive profite surtout aux acteurs de l’ancien système : des sociétés capitalistes qui s’adaptent au nouveau monde, comme IBM avec le logiciel libre. Mais le cÅ“ur de l’économie du commun, ce n’est pas le capitalisme

Le grand problème du capitalisme, c’est que la croissance ne peut pas perdurer indéfiniment. D’un côté, il tente de rendre abondant ce qui est rare, à savoir les ressources de la planète. Et de l’autre, il tente de créer de la rareté artificielle, en privatisant la culture et la connaissance. ...Nous avons besoin de produire collectivement, de travailler en fonction des besoins, de développer un mode de production à la demande.On pourrait, par exemple, mettre en place un réseau mondial de microfabriques. 

En quoi l’économie du commun s’oppose-t-elle à la logique capitaliste ?
Airbnb est souvent présenté comme la plus belle réussite de l’économie collaborative. Mais c’est aujourd’hui une entreprise énorme, valorisée à plusieurs milliards de dollars. Le capitalisme n’a-t-il pas vocation à avaler tous les acteurs de la nouvelle économie ?

I'm another title

On peut faire du commun de façon capitaliste ou postcapitaliste ; c’est un choix. Aujourd’hui, je distingue quatre modèles bien distincts.

  • Il y a, tout d’abord, le modèle de Facebook et Airbnb : le peer-to-peer est alors centralisé pour le profit. Le design, les données et la marchandisation sont totalement contrôlés par l’entreprise propriétaire. Sur ces plates-formes, la demande peut s’organiser, mais pas l’offre. À mon avis, c’est une forme d’hyperexploitation.

  • Deuxième modèle, celui du bitcoin : un contrôle distribué avec une logique de profit. La valeur de la monnaie ne peut qu’augmenter. On est dans du peer-to-peer entre ordinateurs, sans les humains, sans vision égalitaire.

  • Troisième modèle, celui de la résilience locale, sur lequel se développent la plupart des projets de monnaie complémentaire et d’agriculture urbaine. Très intéressant.

  • Et enfin, le modèle de Wikispeed, ...

Et vous pensez que nous sommes aujourd’hui dans la même situation ? Que le capitalisme est à l’agonie ?
Que manque-t-il à l’économie du commun pour devenir un modèle dominant ?
La civilisation du partage naissante est essentiellement portée par la « classe créative Â». Comment en faire un vrai mouvement populaire ?

À la fin du Moyen Âge, l’économie reposait sur le savoir-faire des artisans, des ouvriers qualifiés, des guildes. Les travailleurs étaient à la fois des penseurs et des makers. Mais le capitalisme a brisé ce modèle. Depuis, les ouvriers suivent les ordres, la classe managériale dirige, la machine étend son empire, et le vieux modèle du salariat est toujours en vigueur. Avec la production entre pairs, on revient à un modèle dans lequel les travailleurs pensent et les penseurs travaillent. 

Le grand problème du capitalisme, c’est que la croissance ne peut pas perdurer indéfiniment. D’un côté, il tente de rendre abondant ce qui est rare, à savoir les ressources de la planète. Et de l’autre, il tente de créer de la rareté artificielle, en privatisant la culture et la connaissance. ...Nous avons besoin de produire collectivement, de travailler en fonction des besoins, de développer un mode de production à la demande.On pourrait, par exemple, mettre en place un réseau mondial de microfabriques. 

bottom of page